C’est à découper au couteau.
La masse de fines gouttelettes en suspension,
Très dense et donc opaque, empêche de voir loin.
Gris blanchâtre uni, le brouillard occupe tout l’espace aérien.
L’air est saturé d’humidité.
On est dans l’obligation de se déplacer très lentement
Tout en cherchant à anticiper les impondérables de la route.
Au sol, se sauve l’asphalte mouillé sur lequel on roule.
De chaque côté, filent vers l’arrière les façades embrumées des maisons.
Plus loin, à une cinquantaine de mètres, séparant le sol des nuages
La ligne horizontale qui s’ouvre et par où on s’engouffre pour circuler.
Soudain, ce n’est plus moi qui avance.
Non, ce n’est plus moi.
Ce sont plutôt les formes surgissant de la brume qui sont animées
D’un mouvement qui les fait glisser comme si elles avançaient.
Je ne comprends pas ce qui se passe : je me sens dépourvu de tout élan.
Quelque chose me retient, me convainc que je n’avance plus.
Par contre, tout ce que mes yeux perçoivent devant moi
Augmente en volume, ce qui suppose l'existence d'un mouvement.
Sauf que le mouvement est inversé
Car c’est moi qui occupe le point fixe. Je n’avance plus vers l’avant.
En même temps, je me sens perdre le contrôle, sombrer dans la panique.
Mais je résiste, me sachant incapable de contrecarrer cette illusion.
Éberlué, interdit, je le suis. Mais, j’essaie de comprendre :
Ce que je vois se rapproche, ce qui confirme la présence du mouvement;
Par contre, je tiens de mes deux mains le volant et incidemment,
Bien que devant me soumettre à mon inexplicable état d’inertie,
Je décide de la direction à suivre induite par mon champ de vision.
Oups!
Subitement, tout revient à la normale.
Mais c’est quoi ç’te délire-là?
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Dans les champs des Pointes, une pléthore de merles d'Amérique.
Une dizaine de juncos ardoisés ont squatté l'aire de stationnement.
Aux juncos se mêle un couple de bruants chanteurs.
Plus haut, dans la cour arrière, le couvert neigeux s'affaisse.
nadagami