J'ai quitté la ville voilà plus de dix ans. Une fois ma décision prise de venir m'établir ici, par un bon matin je suis parti à l'aveuglette. À ce moment-là, j'ignorais tout de la campagne si ce n'est son existence, moi qui depuis toujours avais vécu en ville. D'une certaine façon, je suis parti à la campagne comme je serais parti en voyage en un pays étranger.
Au loin, hier cette ville que j'ai quittée, l'asphalte et les trottoirs en ciment; ici, aujourd'hui, le sol où s'enracine la campagne vivante. Après avoir été le citadin étranger dans la campagne, me voilà transformé en campagnard devenu l'étranger dans la cité asphaltée et aux allées bétonnées.
Les années passent et le voyage de se poursuivre même si depuis longtemps les bagages sont défaits et surtout jamais refaits. Je prends racine. Et la campagne, la forêt de même que les montagnes d'être tellement omniprésentes que j'en suis venu à me mêler à elles, à vivre au même rythme qu'elles, au rythme que leur imposent les saisons.
Là-bas, au loin, en ville, le froid trop froid, la chaleur trop chaude, la pluie trop mouillée et le vent trop venteux; ici, à la campagne, le froid, la chaleur, la pluie et le vent désennuient, colorent la vie, différencient des unes des autres les journées.
Ici, c'est la campagne et au loin celle qu'il m'arrive de plus en plus souvent d'oublier, la ville.