Marthe Bernier et Daniel verret
Aujourd'hui, le temps nous manquera. Tout presse. Mais bon, c'est comme ça et le temps, quand on est obligé de rouler parce que tout risque de débouler, on finira bien par le rattraper.
Daniel verret Le silence s'élance,
S'empare des mots, Pour dire qu'il s'est tu. Je n'ai rien à dire. Mais je vous annonce Qu'aussi le silence dit. Puisque pour se taire, Le silence n'a pas le choix : Il doit parler. Daniel verret La route asphaltée glisse sous le véhicule. Les arbres longeant la route filent de chaque côté pour s'évanouir dans l'invisibilité de l'arrière disparu. Au-dessus, le gris des nuages qui me rasent la tête se confond au blanc de la neige tombante. Puis soudain, venu de nulle part mais qui prend subitement toute la place : pourquoi Buckland?
Bin, je dirais que... Tout d'abord : le hasard. Je cherchais une maison de campagne. Pour sortir de la ville. Ça me prend des arbres, la forêt, de l'eau qui coule, des nuages, du ciel. Sans eux, je ne peux pas. Puis un jour, après en avoir visitées je ne sais combien, je suis entré dans cette maison, ma maison, que j'habite aujourd'hui. Et je suis tombé en amour avec elle. Vraiment en amour. Je l'ai trouvée tellement belle lorsque je l'ai visitée pour la première fois. En somme, au départ c'est beaucoup la maison qui a décidé. Ensuite, la vie. Des chemins qui se séparent et d'autres qui se rejoignent. Un besoin pressant de repartir sur de nouvelles bases. J'ai quitté la ville et je suis venu vivre à Notre-Dame-Auxiliatrice-de-Buckland, que tout le monde dans le coin appelle « B-U-C-K-L-A-N-D » à l'écrit mais à l'oral : B Â K L E U N (e) . Et là, une fois établi ici, j'ai vraiment découvert la place, j'ai vraiment découvert que c'était ma place. Aujourd'hui, la ville, je ne peux plus. Le fait de vivre à la campagne a fait ressortir quelque chose qui dormait en moi, qui y était enfoui, que la ville avait enseveli : mon côté sauvage. Ensuite, la langue : ici, tout se passe en français du Québec, même si je demeure à Buckland qui est devenu Bâkleun(e). Et c'est vraiment ce que je suis : un sauvage qui aime la langue française. Pourquoi Buckland : parce que j'y suis né. Daniel verret Photos prises depuis la route Saint-Charles, vers 15h30, le 4 avril 2016, avec l'objectif orienté vers l'est. Daniel verret La 2-79, qui est la route deux cent soixante-dix-neuf (279), s'étend, depuis Beaumont, du fleuve jusqu'au pied des monts appalachiens de Notre-Dame-Auxiliatrice-de-Buckland. Mais même si le numéro de cette route est « 279 », on prononce séparément les nombres « 2 » et « 79 ». Il semblerait que le vocable « cent » (100) rattaché au nombre « deux » (2) se soit volatilisé au cours des années entre Beaumont et Notre-Dame-Auxiliatrice-de-Buckland. On cherche encore mais on a pour ainsi dire perdu espoir de le retrouver...
Bin non! On dit tout simplement « 2-79 » en raison de cette tendance naturelle qui consiste à tout ramener à la plus simple dénomination possible. Donc, la 2-79, c'est la route « 279 » et qui est, bien que sans cent, une belle route. Précisons ici que ce sont les paysages, les points de vue, les panoramas que cette route nous fait découvrir qui sont beaux, qui rendent belle la « 2-79 » . Quant à la route elle-même, son recouvrement, c'est bel et bien une route du Québec. Malgré tout, la 2-79 demeure une route plaisante et agréable à découvrir douze mois par année tout en offrant, à qui s'y aventure, des perspectives panoramiques intéressantes. D'une longueur d'environ 50 kilomètres, la route est néanmoins sans longueur (!) puisque sertie d'une succession de paysages somme toute très différents les uns des autres. Tout cela avec une finale, quand on remonte dans sa totalité la 2-79, spectaculaire avec les Appalaches et le mont du Midi qui se dressent au sud alors que nous atteignons le haut de la côte Saint-Roch à Buckland. Bien entendu, quand on est de passage, il faut revenir d'où on vient. Pour cette raison, il faut savoir que la 2-79 va dans les deux sens. Oui, oui, dans les deux sens qu'elle va cette route. De toute façon, tout ce qui monte doit redescendre. Or donc, une fois parvenu à Notre-Dame-Auxiliatrice-de-Buckland il est possible d'en revenir par le même chemin. Et sur le chemin du retour, voir Québec, les Laurentides, le fleuve, l'immensité du ciel, par temps clair, à partir de la 2-79 à la hauteur de Saint-Lazare et Saint-Gervais, c'est... impressionnant. Daniel verret On ouvre la porte. On maugrée. Fait encore frette. « Ça achève-tu? » qu'on se dit. Parce qu'encore pas mal froid ce matin. Puis tout à coup, après avoir ouvert les yeux complètement : ça.
Moi, le violet, pas vraiment. Mais ce matin, ouf! Daniel verret Merle d'Amérique, où es-tu ce matin? Je t'ai cherché mais ne t'ai point vu. Où te caches-tu?
9h30 : nombreux coups d'oeil jetés dans la cour arrière depuis le retour de la clarté sauf que tu n'y es pas, oiseau que du temps de ma jeunesse on appelait erronément rouge-gorge, car gorge rouge tu as mais rouge-gorge tu n'es pas. Soudain, un souvenir d'enfance remonte alors que soupant sur la galerie avec toute ma famille, on découvrit au cours du repas un nid dans l'arbre dont le feuillage touchait presque la rampe contre laquelle était appuyé un bout de la table où nous avions pris place pour manger. Tandis que nous prenions notre repas, on voyait les parents des oisillons aller et venir pour nourrir leurs petits qu'on entendait piailler dans le feuillage. Puis, mon père de nous dire : « Ce sont des rouges-gorges. » On venait tout juste de déménager. Comme cette famille de merles, la mienne faisait son nid et nos parents qui donnaient à manger aux oisillons que nous étions. Encore un coup d'oeil dans la cour : non, en ce matin de froidure printanière, tu n'es pas là oiseau à la gorge rouge mieux connu aujourd'hui sous le nom de merle d'Amérique. Daniel verret Mouvement, changement, déplacement : il nous a fallu partir sans partir. Un espace temporel est réapparu entre deux soubresauts saisonniers. Persiste toutefois la conviction de l'exactitude des lieux habités en dépit des alentours parés de dépareillements.
La semaine passée, il y a eu tentative printanière de prise de contrôle qui a été suivie d'une reconquête de territoire par le droit hivernal tantôt déchu. Le froid chargeant à fond, les montagnes sont réapparues, le bleu du ciel aussi, les lourds et bas nuages gris, chassés. Puis une fois la chaleur éclipsée, l'eau folle et brune de la rivière s'en est allée pour laisser place à une eau contenue, plus limpide et apaisée. Ici et là ces champs, avant-hier inondés en vastes maints endroits, sont ce matin plaqués de mares clairsemées d'eau gelée qu'enferme la dernière neige tombée en guise de consécration de la victoire de l'hiver. Contraint à la retraite, le vent chaud et humide qui a soufflé sur la région la semaine dernière a déguerpi. Le retour en force de l'hiver culmine ce matin tant le froid est vif. Par contre, jamais, jamais de départ des lieux il n'y a eu bien que de toute évidence c'est dans un ailleurs différent de celui de la semaine dernière que nous vivons ce matin. Daniel verret Parfois, il arrive qu'on trouve alors qu'on ne cherchait pas : sur le bord d'une route, dans un champ en partie inondé, un couple de canards colverts. Des canards, sur le bord d'une étendue d'eau apparue en raison de la fonte des neiges et eau qui dans les jours à venir disparaîtra, c'est tellement éphémère. Tantôt, après les avoir photographiés, ils s'envoleront et ne seront plus là. Et effectivement les deux canards se sont envolés sauf que, à l'instant où je passais, ils étaient sur le bord d'une étendue d'eau qui, l'étendue d'eau, peut-être déjà ce matin n'est plus. Daniel verret |
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Avril 2024
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