​Tantôt,
On fera le tour de la cour.
Là, en ce moment,
La lumière du jour levant arrache du sol le mat restant de la nuit.
 
Importe-t-il plus
D’être premier
Ou
En premier d’être?
 
Il est vrai
Qu’être
Signifie pour d’aucuns
Être premier.
 
Du moins au sein de ma famille,
Et ce, du temps de mon enfance,
Pour être
Il fallait être premier.
 
On sait pourquoi il en était ainsi :
Une banale et ancienne histoire de conflit entre deux frères,
L’aîné et le deuxième de la famille,
Le second se sentant obligé de se surpasser pour être reconnu.
 
Comme l’eau de la marée montante,
La lumière du jour se répand partout.
Tic! Tac!
La nuit! Le jour!
 
Les heures ont passé.
La maison est grande.
Il y a beaucoup à faire.
On y va cependant à notre rythme.
 
Bientôt,
La peinture.
Quelques châssis extérieurs
Doivent être repeints.
 
Mais avant,
Demain,
Journée de beau temps
Et aussi de pelouse à tondre.
 
 
Nadagami

​Loin, très loin,
Brûle la terre recouverte d'arbres.
Tout près tout autour,
Une forêt de conifères et de feuillus
 
Qu’a arrosée,
Abondamment,
La pluie
Des derniers jours.
 
S’est empoussiéré de particules
L’espace aérien
Duquel émane
Une légère, mais partout présente, odeur de brûlé.
 
Au loin,
À maints endroits,
Les médias le rapportent depuis plusieurs jours,
La forêt brûle.
 
Encore plus loin,
Sur d’autres continents,
La pluie qui tombe
Vire au déluge.
 
Ce soir,
Ici,
Gronde
Le ciel ennuagé.
 
Tantôt tout autour,
La pluie.
Ailleurs,
Le feu.
 
Au cours de la soirée,
Une brève interruption de courant.
Quelques minutes plus tard,
Une pluie torrentielle
 
À laquelle
Se sont mêlés éclairs et coups de tonnerre.
Puis la pluie s’est arrêtée.
Demain, tout autour, la forêt arrosée ne brûlera pas.
 
 
Nadagami

​Hier et avant-hier?
Réalisation d’une bordure de roches
Parallèle à la maison
Pour bien séparer une bande gazonnée de la montée des autos.
 
Le voisin,
Combien de fois il est sorti
Juste pour voir,
Juste parce que, hormis la télé, la vie c’est quoi?
 
Il y avait nous,
Les roches,
Nos bras,
Les outils.
 
Hier,
Il faisait beau.
On était quand même assez près du trottoir.
On voyait donc les gens passer devant la maison.
 
Hier,
Le vent n’a pas soufflé, ou si peu.
Sans autos, camions, motos, quatre-roues, côte-à-côte,
Que serait la vie?
 
Alors qu’on se brisait les doigts,
On se demandait en même temps
Comment il était possible de vivre
Tout en étant à la fois francophone et indigène.
 
Menacé sur deux fronts.
J’écris
Et vis près de la forêt.
Je n’ai pas vraiment choisi.
 
J’ai acheté la maison où je demeure aujourd’hui
Parce que, entre autres raisons, dans la cuisine d’été
Il y avait une table identique
À l’une de celles que possédaient mes grands-parents paternels.
 
Je suis un solitaire.
Une bête solitaire.
Hier,
Il y avait les roches, les outils, une ligne, une crainte face à demain.
 
 
Nadagami

Tantôt la pluie.
En ce moment?
Non!
Seulement un mélange de nuages et de percées galopantes de soleil.
 
Tantôt la pluie?
Oui, oui,
Vraisemblablement.
Mais en ce moment, non.
 
On a fait le tour de la cour après le petit-déjeuner,
En même temps sarclé,
Ici et là la surface gazonnée, par la suite, les jardins.
Souvent, alors qu’on va dans la cour arrière,
 
On cherche un chemin,
Un chemin qui n’existe pas réellement mais qu’on voit,
Dont on suit le tracé né de notre imagination
Et que balisent sur le coup les arbres et les plants fleuris.
 
Tantôt? La pluie!
Mais pourquoi tantôt?
Parce que tantôt est un temps qui tôt ou tard finit par survenir
Et qui aussi toujours peut être repoussé.
 
Le temps, nous, si nous aimons?
Oui,
Parce qu’invisible tout en étant comme l’ombre :
Perceptible mais insaisissable.
 
La cour arrière est belle
Sans être exagérément chargée de plantes jardinées.
En fait, elle est juste belle,
Et belle parce que tout en équilibre.
 
D’une beauté verte qu’elle est en cette période estivale,
Pleine de vie,
Pleine de rebondissements floraux sauvages,
Impossible à contenir si elle-même ne nous contient pas.
 
Tantôt, après un avant-midi plutôt ensoleillé, à un moment donné,
Surviendra la pluie.
Parfois, on fait le tour de la cour sous la pluie.
Souvent, en ces occasions, on oublie la pluie qui tombe.
 
 
Nadagami

​Il tombe sur les pages du net
Des trombes de nouvelles qui,
Quand on s’y arrête et bien que venant de partout,
Sont pas mal toutes pareilles.
 
Comment peut-on vraiment s’y retrouver?
Sont rapportés de grands événements sportifs,
Des annonces et tribulations gouvernementales,
Des catastrophes naturelles,
 
Des conflits souvent armés,
Des fluctuations boursières,
Des publicités
Et une multitude de points de vue.
 
Très peu d’informations sur la misère humaine
À moins qu’elle ne soit politiquement rentable.
Tapotent sur le rebord des fenêtres
Des gouttes d’eau qui se détachent des bordures du toit.
 
Comment s’y retrouver?
Tant de nouvelles
Très vite devenues
Anciennes.
 
T’as lu, regardé, entendu
Les anciennes?
Là, des inondations.
Et là, des feux.
 
Sauf que c’était hier et le lectorat bedonnant réclame du nouveau,
Lui qui refuse de rester sur sa faim.
On brasse les cartes.
Une patience.
 
Seules
Les gouttes de pluie
Parviennent
À agiter les feuilles pendantes des érables.
 
De la vie, en général, ce qu’on en pense?
En fait, pas grand-chose parce que trop gros.
Hier, au-dessus des montagnes flottait une lune gibbeuse embrumée.
Sous elle, des enfants jouaient à la balle-molle.
 
 
Nadagami

​Juste pousser un peu plus loin le curseur
Sans savoir où il nous mène
Bien que ce soit lui, le curseur poussé,
Qui finalement nous tire vers l’avant.
 
Penser deux :
Je suis,
Tu es,
Nous sommes
 
Alors que vous êtes,
Tout comme il ou elle est
Où ils et elles
Ont des pensées d’eux.
 
Sur les branches les plus hautes d’un faux-tremble effeuillé,
Trois corneilles.
Tout en bas,
Le silence de la cour hier soir arrosée par une forte pluie.
 
Sous un ciel
Qu’on croyait immuablement ennuagé et de pluie pour la journée,
Voilà que le soleil perce le couvert nuageux
Et que la grisaille s’estompe.
 
Les feuillages sont ballotés tout en douceur.
On dirait que le village est encore presque en entier endormi.
Une odeur de vacances flotte.
Tantôt il faudra nous rendre à l’épicerie.
 
Où nous en sommes?
Pas à la somme
Puisque toujours on calcule
À partir de principes impossibles à convertir en chiffres.
 
Mais non!
On déconne.
On tape,
Il le faut.
 
Ce qu’on a à dire?
Pas grand-chose,
Mais en nous
Toujours des placotages si difficiles à réprimer.
 
 
Nadagami

​D’hier,
Nos mots,
Ceux écrits et conservés jusqu’à ce qu’on les retrouve au matin,
On les a tous effacés.
 
Puis soudain le doute :
« On a tous effacés? »
L’article les, pour « les mots », est sous-entendu.
On a fouillé sans pour autant trouver.
 
Peut-être aussi :
Tous on a effacés...
Qu’importe!
Alors qu’on cherchait,
 
Le couvert brumeux qui enveloppait le village
S’est dissipé.
En même temps dans les champs
Ont repris les épandages.
 
Il fait chaud,
L’air est chargé d’humidité,
Le vent se démarque par son absence
Et les émanations malodorantes des épandages successifs de coller.
 
Il fait vraiment chaud,
Mais à l’ombre, on est bien.
Montent des rangées d’arbrisseaux qui tracent les limites du terrain
Les moqueries des moqueurs qui se moquent.
 
Parfois,
Un peu de nostalgie,
De réminiscences de ce temps alors qu’on était plus jeune
Et qu’on pouvait se permettre d’être plus fou.
 
Le temps passe,
Les années nous rattrapent.
On ressent moins le besoin d’oublier qu’on existe
Surtout que notre temps d’existence s’effrite,
 
Même si toujours à la même vitesse,
Bien que toujours un peu plus vite on dirait.
Dans les médias, des tragédies découlant du réchauffement de la planète;
Ce soir, ici, des montagnes enveloppées d’une grisaille emboucanée.
 
 
 
Nadagami

​Il est tôt,
Très,
Et déjà le sommeil
Qui s’en est allé.
 
Tombe la pluie lourde
Dont le tambourinage des gouttes sur le sol
Se répand en une amplification de résonnances
Entre la maison rapprochée d’à-côté et la nôtre.
 
La lumière du jour d’avoir l’étincellement plutôt ennuagé.
On repousse du mieux qu’on peut
Des images du passé
Qui trop souvent nous assaillent.
 
Cafetière.
Stores.
Ordi.
Touches du clavier.
 
Écrire,
Il nous faut.
Mais écrire,
Pourquoi au juste?
 
Oui! Oui!
On écrit parce qu’écrire fait partie de nous.
Sauf que, hein,
On se demande si ce n’est pas qu’un caprice
 
Que d’écrire pour ne décrire qu’une seule réalité
Qui est tout bonnement la nôtre.
Quant à gagner notre vie grâce au mot écrit,
Bin là, on ne sait pas trop si on peut juste y penser.
 
Dentistes, plombiers, chirurgiennes, chercheurs, journalistes,
Électriciens, menuisiers, secrétaires, chauffeuses de bus,
Acteurs, agentes immobilières, sportifs professionnels, politiciennes :
Tous ces gens sont reconnus et rémunérés pour ce qu’ils font.
 
On se lève le matin et vite surgit la nécessité
De mettre les doigts sur les touches du clavier.
On a été environ un mois sans taper : il y a eu des bouttes plutôt tofs!
On n’a pas eu le choix, non, d’enfoncer à nouveau les touches.
 
 
Nadagami

​Finalement hier et à notre grand soulagement,
Il a plu.
Ce matin, et on en est ravi,
Il fait très beau et, de toute évidence, la journée sera chaude.
 
D’un rang du jardin potager
S’arrachent enfin et après maintes tentatives infructueuses
Les tiges vertes nées de la germination
Des semences de haricot.
 
Toujours ce matin, on a aussi entendu,
Tandis qu’on faisait le tour de la cour,
Le chant hallucinant d’un moqueur roux
Et les imitations de miaulement trompeuses d’un moqueur chat.
 
Chez l’un de nos voisins,
On s’active à mettre en place
Les formes pour le coulage prochain du béton du solage
De l’agrandissement arrière de la maison.
 
Que de vrombissements!
Que d’odeur de diésel!
Que de déplacements brinquebalants!
Comme il fait beau malgré tout alors que se répand tout ce bruit.
 
Parfois,
On aimerait être ailleurs,
En un coin plus reculé,
Loin du bruit.
 
Toujours et toujours ce matin :
Première véritable cueillette de framboises;
On a également installé une clôture de fortune
Pour éviter les cueillettes subreptices de ces savoureux petits fruits.
 
Une brise légère titille les feuilles des arbres
Tandis qu’achève le déploiement tout de bleu des lobélies
Et que s’ouvrent à la lumière du jour
Les premières fleurs des plants d’hémérocalles.
 
C’est l’été.
Les feuillus sont beaux.
Comme est bruyante la rue Principale.
C’est peut-être nous qui peinons à nous adapter.
 
 
Nadagami

​Il devait, au cours de la nuit dernière, pleuvoir.
Mais au contraire des prévisions, jamais il n’a plu.
Cela nous a vivement déplu
Que le ciel refuse de se transformer en arrosoir.
 
Encore ce matin
Devait tomber la pluie.
Mais dehors, le sol est sec et donc rien ne reluit.
Comme le ciel pourtant très ennuagé est radin.
 
Finalement tantôt,
De pluie il est tombé quelques gouttes.
Dès lors pour nous, il n’y avait aucun doute
Que le sol serait bientôt imbibé d’eau.
 
Sauf que non!
Il fait présentement soleil.
Des gouttes qui tombent éparses, c’est loin d’être pareil
À une averse qui porte vraiment son nom.
 
On est quelque peu inquiet.
Le sol est si sec.
Sur la terre durcie, les oiseaux se rivent le bec.
Quant à nous, hier soir, aux prévisions on se fiait.
 
On craint pour les fleurs
Ainsi que pour le potager.
Et le ciel qui nous fait rager
Alors qu’on le souhaite en pleurs.
 
En ce moment, tout en haut, du bleu.
Sur le sol, de longue traînées enluminées de soleil.
Souffle malgré tout du sud le vent depuis notre réveil.
Le temps est vlimeux.
 
Pourtant,
Et on vient tout juste de revérifier
Les prévisions météo auxquelles en principe on peut se fier,
La pluie devrait tomber dans peu de temps.
 
Sauf que le ciel est presque en entier dégagé.
Donc, rien qui indique qu’il finira par pleuvoir.
Comme on souhaite que le soleil se fasse moins voir
Alors que de trop peu d’eau le sol est gorgé.
 
 
Nadagami