Et en même temps les reproduire au moyen de l’écrit,
Les regarder apparaître à l’écran,
Les relire,
En effacer,
Corriger,
Reprendre depuis le début après avoir tout effacé
Pour finalement reconnaître
Que ce que l’on a le goût d’écrire découle
De la présence enivrante d’une absence, soit :
« Que l’on n’a rien à écrire. »
Malgré tout,
Les doigts de continuer à enfoncer
Les touches du clavier
Pour qu’apparaissent
Les lettres des mots
Qui deviendront par la suite des phrases
Et dont le contenu rapporte
Qu’ils, les doigts, tapent
Des mots pour annoncer qu’ils,
Toujours les doigts,
N’ont rien à dire,
Rien à écrire,
Rien à rapporter
À l’aide de mots écrits
À l’exception de l’intention inattendue d’écrire pour dire
Qu’écrire c’est dire.
Mais cela,
Dès le départ,
On le savait
Et par conséquent donc,
Que l’on écrit, preuve à l’appui,
Pour démontrer que l’on n’a rien à écrire.
Mais comment exprimer
Au moyen de l’écrit
Que l’on n’a rien à écrire
Et tout cela sans que n’intervienne l’écriture,
Sans que n’intervienne le mot tapé?
Parce que c’est ce que je désire exprimer à l’aide des mots tapés :
Soit de n’avoir rien à écrire, rien à taper.
Oui, je sais que,
Au lieu de me fendre le crâne pour imager une façon
D’exprimer ce qui ne peut l’être,
Je pourrais tout simplement écrire :
Que le ciel est gris,
Que l’heure du souper est passée,
Que bientôt il fera nuit.
Mais,
Et j’insiste :
Je ne peux m’empêcher
D’écrire
Que je n’ai rien à écrire,
Mais tout en écrivant, tout en tapant des mots
Afin de créer des conditions favorables
À une confrontation de nature antinomique
Pour m’imprégner de la nature intrinsèque du dualisme.
Sauf qu’il m’a fallu
Plusieurs lignes
De mots écrits
Pour signaler que je n’avais rien à écrire.
nadagami