Près du fleuve,
En fait, juste à côté de l’artère fluviale saint-laurentienne;
Au loin, les Appalaches.
On a suivi
Le courant des rivières,
Celui de la de la Fourche, de la du Sud,
De la Boyer,
De la Etchemin.
Sous les roues de notre du véhicule,
L’affluent
Dans lequel se jettent les eaux des rivières
Du piémont appalachien
De Bellechasse.
Pourquoi
La langue française?
On a marché
Dans une rue tranquille
Qui longe l’une des artères
Les moins tranquilles de Québec :
Le boulevard Laurier.
On a aussi traversé,
Toujours à pied,
Le campus de l’Université Laval.
Soudain...
En fait,
Ici aussi, à Québec,
Je tente
De découvrir la raison
Qui explique pourquoi
Le canton de Buckland
Se nomme justement Buckland,
D’autant plus que le canton de Buckland,
Le canton de la terre du livre libérée de toute redevance,
Coiffe le royaume du régime seigneurial
Qu’a été par le passé la Côte-du-Sud.
---
Un boisé,
Un pic, des mésanges,
Des autobus,
Des gens à pied,
Des pavillons.
Je me sens bien.
Je coupe à travers le campus
De l’Université Laval.
J’écris.
Tantôt sera fait de quoi?
J’eul sé-ti,
Moué?
Je nous aime bien,
Nous,
Les Francoquébécois,
Les Canadiens du Québec.
Je me dois
D’écrire
Et d’observer
Pour décrire
En cette langue
Qui est mienne
Et qui me convient
Parce qu’elle me sied bien.
---
Il ne nous reste que quelques mots à écrire,
Que quelques mots.
Un peu fatigué je suis
De toute cette tristesse que je traîne
Depuis tant d’années,
Surtout qu’au départ
J’ignorais que c’était
De la tristesse.
Ce n’est que plus tard que j’en ai pris conscience.
Je souriais tout le temps
Quand je rencontrais pour la première fois des gens,
Des gens que je ne connaissais évidemment pas.
Désarmé jusqu’à l’os,
Je me présentais aux gens
Et m’offrait en pâture
Tel qu’on me l’avait si bien appris.
Cette attitude découlait d’une naïveté inconsciente
Acquise au sein d’un environnement familial
Qui m’obligeait à me soumettre
Aux dérives éducatives d’un duo parental convaincu
De l’infaillibilité de son jugement,
Mais qui me nourrissait
Comme on nourrit un chien
Qui couche dehors et qu’on finit par oublier.
Vie de misère,
De tortures psychologiques,
De violences comportementales,
De négligence et de rejet.
J’ai grandi seul dans une famille de sept enfants.
Je m’amusais avec des riens.
Mes parents appréciaient
Puisque je ne demandais rien.
---
On va passer à l’anglais.
Tout cela est trop gros pour moi.
Pourquoi l’anglais?
Pourquoi que l’anglais?
On se voit mourir par en-dedans.
Alors, on meurt.
Monsieur Parizeau,
Tout cela est trop gros.
Mais je continue à écrire en français d’ici,
En cette langue qui est mienne :
Le canadien,
Car je suis un Canadien qui parle canadien.
Le vent,
Celui de l’immobilité,
Souffle
Alors qu’aucune branche ne bouge.
Un brouillard
Enveloppe les maisons des alentours
Et sans doute en entier la ville.
Sauf que je n’ai rien à dire, rien à écrire, rien à ergoter,
Mais je tape quand même.
Tout est si immobile.
Aucune branche ne bouge.
Où sommes-nous?
L’absence totale de vent souffle,
Et fort
Tant rien ne bouge,
Où tout n’est qu’inertie.
C’est la vie.
Que peut-on y faire?
L’hiver achève.
Le printemps le picosse.
Mais il reste encore de la neige à tomber.
Et il restera toujours de la violence
Pour violenter l’innocent.
C’est juste que parfois, je suis tanné de toute cette violence
Et de la colère qu’elle génère.
Mais bon,
Il nous arrive de juste regarder les jours aller,
Sans penser,
De nous abandonner à la richesse
De la pauvreté.
On attend
Dans l’attente que la mort vienne nous chercher.
---
Le brouillard s’est levé.
Les mots,
Par contre,
Demandent toujours de tomber sur la feuille.
On continue donc de taper,
À regarder les mots naître sur la feuille,
À oublier qu’on tape,
À oublier sans jamais cesser de taper.
Encore quelques mots,
Encore quelques sautes d’humeur,
Encore quelques coches pétées,
Encore des mots à taper pour ainsi les corriger.
Encore cette quête
De l’inutilité
Pour arriver en un lieu
Qui se construit à chaque nouveau mot tapé.
C’est par là qu’il faut aller,
Dans cette direction
Parce qu’on ignore
Où on s’en va.
Et on continue sans savoir,
Sans le savoir,
Sans rien du tout,
Et on continue par là.
On a longtemps cru
En la bonté fondamentale de l’être humain.
C’est le plus gros mensonge inventé
Depuis le début de l’histoire de l’humanité.
L’être humain
Est aussi mauvais qu’il peut être bon
En allant jusqu’à tuer pour protéger ses richesses,
Mais dont il peut se départir sans résistance pour éviter l’isolement.
Ainsi va la vie.
La mort aussi.
Être si naïf,
Si peu déluré,
Si mis sur une voie d’évitement
Pendant tant d’années,
Voilà,
C’est moi.
J’ai été choisi
Parce que je donnais beaucoup.
Et comme je donnais beaucoup pour être choisi,
En retour,
J’obtenais peu.
C’est l’histoire d’un nouveau-né
Dont le père n’aura que du mépris pour lui.
Il fait beau dehors.
---
Le soleil déverse sa lumière
Qui allume la blancheur de la neige.
Aucun vent.
C’est quelque chose que...
Ça ne veut rien dire.
Absolument rien.
« C’est quelque chose que... »
C’est l’indéfinition de l’indéfini.
Le soleil,
En perte de hauteur,
Continue de mourir,
De s’éteindre,
De plonger,
D’annoncer qu’il finira bien par disparaître
Par-delà la ligne d’horizon.
Tout est confus.
Je ne fais que taper
Tout en cherchant à saisir au moyen des touches
Toutes ces images qui me passent par la tête.
C’est quelque chose que ce quelque chose.
Je n’avais rien d’autre à écrire,
Mais je continuais.
Pourquoi au passé?
Je n’ai rien à écrire,
Mais je tape quand même,
Toujours,
Sans arrêt,
Juste pour voir apparaître des mots.
Et je continuerai jusqu’à ce que mes doigts refusent de taper.
Quelque chose,
Je voudrais quelque chose,
Mais quoi?
Rien.
Je ne veux rien.
Je tape,
C’est ce que je veux.
Il arrive parfois
Qu’on n’ait rien à dire.
Il arrive qu’on parle et qu’on ne dise rien.
Il arrive qu’on ne dise rien et qu’on ne parle pas.
Il arrive que des gens puissent avoir peur,
Peur des mots,
Peur des autres,
Peur des mots des autres.
Il y a qu’on ne peut pas aborder tous les sujets,
Et encore moins n’importe comment
Et avec n’importe qui.
C’est quelque chose que...
---
Place Laurier.
L’auriez pas vu...
Chose?
Ou quelque chose du genre?
Assis tout juste à côté de la rampe vitrée
Qui surplombe l’allée centrale
D’un centre d’achat
Et il n’est même pas huit heures du matin.
Un café,
Une jeune fille qui astique
Le comptoir de son stand de friandises au chocolat.
Il n’est même pas huit heures
Et déjà on fait la file devant les casse-croûte.
Il n’est pas huit heures,
Il y a des gens partout,
Des jeunes, des moins jeunes,
Des beaucoup moins jeunes
Et plein de travailleurs.
Ici,
On vit en dedans.
Un immense écran
Surplombe la salle
Remplie de tables à manger.
On y voit des enfants qui jouent dans la neige.
Je me sens si incapable de m’intégrer à ce monde.
Je n’en ai pas les moyens,
Ni les capacités.
Ce monde n’est pas le mien.
Je me suis élevé.
Pas le choix.
Trop d’enfants
Et des parents foqués.
Les files s’allongent.
Elle est à la caisse,
Portant le voile.
Petit, que de religieuses il y avait et qu’on devait saluer.
Ché pas trop quoi penser.
Voilà,
Des gens encore,
Partout.
De la musique,
Des bruits,
Un fond musical enchevêtré de bruits discordants.
Et toujours ce petit maudit bit énervant
Qui rythme le fond musical.
Centre d’achat,
Emmuré,
Les gens attendent,
Marchent,
Sont assis,
Lisent,
Cellulairisent.
C’est la vie,
C’est tout.
Je tape.
Je les regarde, observe, me mets dans leur peau.
Le temps passe
Comme il a toujours passé pour moi,
Alors que je le regarde passer
Sans comprendre pourquoi il passe.
Quel est donc ce monde que je regarde
Et dont je ne comprends, par grands bouttes, nullement le sens?
Je me revois,
Très jeune,
Je me revois
Alors que je passais des heures à regarder,
À observer,
À ignorer où je me trouvais
Même si je savais
Où j’étais.
C’est juste que je ne comprends rien à rien
Et que tantôt il me faudra bouffer,
Que je perdrai tout sens d’orientation.
Comme là,
En ce moment,
J’ignore ce que je fais.
Je tape,
C’est tout.
Je suis assis sur un banc en face d’une boutique
De jouets et de jeux.
C’est ce que je suis : un chiâleux.
Et le parasite
Est celui qui a réalisé le film
En se nourrissant de la misère des pauvres gens.
C’est toujours la même affaire,
Le parasite est celui qui se nourrit
Du pauvre naïf incapable de se défendre
Lorsqu’on l’accuse de parasitisme.
On a fini par comprendre,
Par deviner
Comment devenir
Autre chose que ce qu’on voudrait qu’on soit.
Tranquillement donc on retourne.
Au milieu de l’allée centrale de Place Sainte-Foy.
Des gens vont, viennent.
Et toujours ce foutu bruissement musical.
---
Que de gens,
Que de visages,
Tous différents
Et reconnaissables.
Quant à la mode,
Elle découle d’une volonté que tout le monde soit habillé pareil.
Ce n’est pas possible à quel point la mode démode la diversité,
C’est d’une tristesse infinie.
Les gens vont,
Les gens viennent.
Pour en venir à quoi?
Je ne sais trop.
Un livreur,
Un représentant,
Une jeune travailleuse poussant un chariot
De contenants en plastique de prêt-à-manger.
Passent les gens,
Poussent les poussettes les grands-papas,
Vont ensemble mère et fille,
Et tous ces gens qui, seuls, craintifs, ignorent où jeter leur regard.
Je suis un parasite,
Tout être vivant en est un.
Et il y a toutes ces personnes qui travaillent dans l’ombre,
Qu’on ne remarque jamais.
En contrepartie, il y a toutes ces très jolies personnes,
Des photos,
À qui toute la place est accordée
Mais qui ne sont que de carton.
---
De retour à la maison.
Je suis en vacances.
Panne de courant.
C’est parce que j’aurais mangé.
Mais bon,
C’est ma vie,
Toujours cette vie parsemée
De jambettes,
De déplaisirs,
De cette damnation qui me poursuit.
Voilà,
Je m’éloigne de la maison,
Prends quelques jours de congé
Et l’électricité qui fait défaut.
C’est parce je voulais manger,
C’est l’heure.
Et le courant de revenir quelques trois heures plus tard.
La panne m’a fait damner.
Je suis en vacances.
Jamais je ne quitte les hauts.
Je me permets une escapade.
La température est douce.
Pas de vent, pas de neige, pas de pluie.
Soudain, la panne d’électricité.
Je voulais juste manger.
J’avais marché depuis Place Laurier,
C’était l’heure du dîner,
On mange?
Non!
Tu ne peux ouvrir le frigo.
Merde!!!
Et il y en aura pour combien de temps avec cette panne?
Voilà,
Il n’y en a plus de panne.
J’ai paniqué,
Disjoncté,
Me suis énarvé pour rien.
J’ai perdu le contrôle et mes émotions
Qui ont pris très vite le dessus.
Tout à coup,
La vie,
Ma vie est devenue un plat indigeste.
J’ai eu la nausée.
Je me suis détesté.
Tout cela à cause d’une panne de courant.
Voilà,
Je me calme.
J’ai paniqué.
Mais il est vrai
Que je suis plus ou moins fier de ce que je suis,
Mon vécu, en général,
Je le ressens souvent comme un échec,
Une succession d’échecs.
J’ai fait quoi tout au long de ces années passées?
Rien de notable.
Je n’ai même pas été capable de me rendre heureux.
Tout autour,
Il y a ces gens
Qui travaillent sans doute au salaire minimum
Petite misère!
Ché pas ce que j’ai.
Je tape.
Un point c’est tout.
Pourquoi?
Est-ce que je sais?
Je suis parti d’un point qu’on appelle naissance.
Aujourd’hui,
Je tape des mots.
C’est quoi cette merde?
Est-ce que je sais, moi,
À quoi tout cela rime?
Je tape, un point c’est tout.
Un jour,
Aujourd’hui,
Il y a eu une panne de courant,
De courant électrique.
J’ai paniqué
Parce que j’ignorais combien de temps
Durerait cette panne.
Je me suis vu, senti si dépourvu.
Ce n’était pas si grave,
Mais j’ai paniqué.
J’avais l’impression que la panne durerait des heures et des heures.
Elle a duré moins de trois heures,
Pas des heures et des heures.
Mais comment savoir combien de temps elle durerait cette panne?
J’ai paniqué
Et me suis emporté.
Dans mon cahier d’écriture,
J’ai écrit
À peu près les mêmes commentaires,
En somme, que je n’étais qu’une merde.
Mais bon, je continue.
J’en étais où?
Voilà,
Je me souviens.
Tout a commencé ici,
C’est-à-dire là,
Oui, là,
En somme, ici.
Il y a que j’ai juste envie de comprendre
Pourquoi la pluie, la guerre, la et le politique,
L’effervescence pour le sport professionnel.
Je n’y comprends rien.
---
Elle me regarde,
Mais refuse que j’en fasse autant.
Elle se rapproche
Tout en conservant une certaine distance
Pour que je sache qu’elle est là,
Que je m’habitue à sa présence
Et surtout,
Que je ne l’achale pas.
Elle veut quoi?
Elle détourne le regard.
Je n’insiste pas.
Elle est tout près de moi.
Je suis assis à une table.
Je tape.
Elle est tout près.
Elle m’observe sans me regarder.
Elle m’observe
Sans être là.
Elle est disparue.
Anima?
---
Demain,
Je retourne dans les hauts.
Ça ne me tente pas.
Voilà plus de seize ans que j’y vis.
Soudain,
Une détresse,
Une envie de voir autre chose.
On vend la maison?
Il neige.
J’ai envie de voir des gens,
D’être au milieu des gens,
De connaître les allers et venues des gens.
Je retourne vivre dans les hauts?
Je ne sais plus trop.
Le temps passe.
Je vieillis.
J’écris.
Où m’en vais-je?
Pourquoi écrire?
Parce qu’il le faut.
Je n’ai même pas le choix.
Je ferai quoi de tout ce que je viens taper?
Je termine avec ces lignes?
Je continue.
Je corrigerai plus tard.
Je tape.
Je continue.
Je veux juste m’assurer
Que ce que je fais
Ce n’est pas pour rien.
En même temps,
Je m’en fous pas mal.
Je suis qui moi?
Moi, comme tous on l’est.
On m’a rejeté.
Je n’ai pas choisi.
Je suis qui je suis.
Je voudrais que les gens pensent comme moi.
Je voudrais avoir raison.
Je me voudrais plein de pouvoir.
D’un autre côté,
Je suis incapable de supporter la proximité des gens
Et je déteste dire quoi faire aux gens,
Mais il n’empêche que j’aimerais bien
Que les gens soient nombreux à me lire.
Même si je n’ai pas grand-chose à dire.
Je tape
Jusqu’au prochain point.
Nadagami