Dans les bas, à mesure qu'on se rapproche du fleuve, on me l'a dit t'à l'heure, il pleut. Ici au même moment, dans les hauts de Bellechasse, il neige. Devenir Bucklandais, c'est apprendre à vivre dans un ailleurs.
Notre-Dame-Auxiliatrice-de-Buckland, c'est un coin de pays, tout petit, peu connu mais où tous se connaissent. Hier, je n'en connaissais aucun. Aujourd'hui, je les connais presque tous.
À mon arrivée, je ne comprenais pas. Lorsqu'on se rencontre, comme partout ailleurs, tout d'abord on se salue. Ensuite, avec le temps je l'ai appris, il faut prendre le temps de discuter sans trop s'attarder. Quand on est de la ville, tout presse tellement. Puis, la discussion prend fin sans un au revoir, sans une à la prochaine, sans un à tantôt. Non, au début je ne comprenais pas. Quelle étrange façon me disais-je alors que de mettre fin sans aucune civilité à une discussion.
Puis, j'ai compris. Je ne l'avais pas vu. Non, je n'avais pas vu ce dôme invisible qui recouvre tout le village comme si tous les Bucklandais vivaient sous un même toit. Une maison ici, ce n'est pas une maison. En fait, chaque maison du village représente une pièce d'une seule mais immense maison. Et quand dans une maison on quitte une pièce où s'occupe une autre personne, on ne la salue pas, on ne lui dit pas à la prochaine ni à tantôt. On se côtoie, on se sourit, on s'interpelle, on s'ignore, on change de pièce, mais tout se passe dans la maison et donc, on ne se quitte pas.
Notre-Dame-Auxiliatrice-de-Buckland, c'est une maison-village. J'ignorais ce que c'était que de vivre dans une immense maison faite de maisons-pièces.
Devenir Bucklandais, c'est apprendre à vivre dans un ailleurs distinct de celui de la ville. Les civilités y sont différentes. Les rapports entre les gens du village sont ponctués de familiarités que sont portés à éviter les gens de la ville.
Dans les bas, près du fleuve, il pleut. Ici, dans les hauts, ailleurs, il neige.
Daniel Verret