Avant, du temps de ma jeunesse et pas que de la mienne, la famille avait la priorité sur les passions individuelles. Avant, lors des grandes occasions, tout le monde était là. Avant, c'était ce qui avait été avant qui décidait tout le temps. Aujourd'hui, c'est moins vrai. La famille a perdu du lustre au profit de l'individu.
Hier, ce fut aussi un retour inattendu en arrière, d'une soixantaine d'années; un défilement bref mais intense de visages hier vivants aujourd'hui contenus dans la mémoire. Le détachement, la mise à l'eau d'une bille de bois que le courant de la rivière emporte, a suivi. Le passé est passé. On ne peut le retenir. On ne peut le reconstruire. On ne peut que ce qu'on peut. Pas plus.
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Parce qu'hier, à un moment donné, comme ça, telle une feuille qui apparaît après s'être détachée de la branche d'un arbre et qui termine sa chute juste à nos pieds, la conviction spontanée et inébranlable qu'on ne peut accomplir qu'à l'intérieur des limites de nos capacités.
C'était cela qui me chicotait hier : l'idée qu'on doit toujours en faire plus que les autres afin de démontrer aux autres qu'on est le meilleur. En somme : épater la galerie.
Et hier, ce fut encore ça, dans la famille de mon père, cette manie de devoir beurrer épais. Sauf que pour le repas, on nous a servi des sandwiches aux oeufs. Ils étaient bin corrects les petits sandwiches aux oeufs mais des sandwiches aux oeufs, ça titille le palais comme le font des sandwiches aux oeufs, pas comme une tranche de rosbif.
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Après, nous les enfants de mon père?
On a joué aux cartes. Les autres, les enfants des frères et des soeurs de mon père?
Ils n'étaient plus là.
Daniel verret