Le temps,
Ce matin-là,
N’en n’avait guère.
* * *
Incapable de se contenir,
Le temps se sent fuir entre ses doigts
Au rythme d’une seconde perdue
Pour chaque période de temps que dure une seconde.
En regardant dehors tôt le matin,
On comprend mieux l’agacement qui turlupine le temps :
Chaque seconde de clarté gagnée
Provoque une perte équivalente
De noirceur pour la même période de temps.
Le temps décide donc,
Pour se départir de cette désagréable sensation
Qu’éveille la sensation de perdre son temps à l’infini,
De joindre ses deux mains
En croisant ses doigts à la hauteur de ses phalangettes,
De coller ses pouces contres ses index respectifs
Et d’appuyer ses poignets l’un contre l’autre.
De cette façon, en regardant par le cylindre que forment ses mains,
Le temps est convaincu qu’il pourra intercepter la seconde,
Celle qui provoque l’expulsion de l’autre seconde qu'il croit perdre,
Et en repliant ses doigts l’emprisonner dans le cylindre.
Mais voilà que le temps,
Qui regarde par l’ouverture que forment ses mains jointes,
Voit se dessiner une ligne droite qui va loin, très loin devant lui,
Tellement loin qu’il est incapable d’en imaginer la fin.
Intrigué, il effectue un demi-tour sur lui-même,
Replace ses mains jointes pour regarder à nouveau par l’ouverture ronde
Et à sa très grande surprise
Réalise qu’il est encore incapable de voir où se termine la ligne.
C’est alors que le temps en vient à déduire qu’il ne perd rien,
Qu’il n’échappe aucune seconde qui passe,
Qu’elles ne lui glissent pas entre les doigts,
Mais bien qu’il est tenu accroché,
Grâce à ses mains,
À une très longue fibre, invisible, hyper-résistante
À laquelle il est malgré lui rattaché
Et dont la longueur, dans les deux sens,
Semble infinie.
C’est alors qu’au lieu de tenter de retenir les secondes passées,
Le temps se résout à se laisser conduire par
La ligne que dessinent les secondes qui repoussent celles qui passent.
nadagami