Encore le frigo qui ronronne.
Le village dort dans l’ombre de la nuit
De chaque côté du cordon d’asphalte déserté.
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J’ai placé mes mains sur la bande d’appui qui borde le clavier,
Étendu mes doigts au-dessus des touches et
Me suis mis à taper,
Des mots.
Mais juste avant, j’ai lu quelques articles
Que suggèrent différents sites de nouvelles.
Parfois, je me demande si c’est vraiment nécessaire.
Sauf que j’angoisse quand je ne me tiens pas informé.
La cafetière crache ses derniers jets de vapeur.
Je tape.
J’attends, tape un peu, me lève et
Me verse une tasse de café.
Une auto, puis une autre, et encore une autre,
Passent devant la maison.
La vie reprend son cours normal.
Les vacances tirent à leur fin.
Le coeur du village s’est mis à rebattre plattement.
Je regarde les mots apparaître à l’écran.
Le soleil s’arrache de la bande nuageuse
Qui est restée accrochée au-dessus des montagnes.
Sa lumière tombe sur la façade des maisons du côté nord de la Rue.
Une légère brise agite les feuilles.
D’autres autos passent devant la maison.
C’est la vie.
Je tape sans savoir ce que je taperai.
Je n’aime pas écrire « Je continue » que j’écris tellement souvent.
J’aurais juste le goût d’oublier que j’écris.
J’aurais juste le goût d’oublier que j’écris lorsque j’écris.
La cafetière continue de chahuter.
J’attends.
D’autres autos passent devant la maison.
J’attends les mots.
La voisine d’en face quitte pour le travail.
Il est six heures quarante-cinq.
La routine.
Tantôt, bientôt, ce sera moi.
Le temps passe.
J’attends.
J’entends le frigo.
On dirait qu’il est devenu mon ami, le frigo.
Bonjour frigo!
Ça va ce matin?
Il ronronne.
Pas très affectueux mais, pas de tas à ramasser.
Le temps passe.
J’écris.
Ça finira bien par sortir,
Par tomber sur la feuille,
Sur la feuille froide de l’écran.
Un jour,
Alors que je n’avais nulle part où aller
Je suis allé nulle part.
C’est loin.
Très loin nulle part c’est.
Mais bon, ce n’était pas important que ce soit loin.
Je n’avais rien à faire cette journée-là.
Et la vie, à faire de moi, rien non plus.
Donc, je suis parti.
Pour nulle part.
J’ai beaucoup marché cette journée-là
Sans bouger.
Du moins, c’est l’impression que j’avais,
Celle de marcher sans bouger.
Mais je bougeais car je marchais.
Entéka!
Sans bouger donc, parce que nulle part c’est partout.
Et redonc, dès que j’avançais d’un pas
J’étais nulle part.
Nulle part, c’est où? Bin ç’t’affaire : partout.
Et partout en même temps.
Sauf qu’on ne peut être partout en même temps;
Mais être nulle part tout le temps, oui.
De toute façon, l’important c’est d’oublier qu’on existe.
C’est quand on s’enfarge dans l’importance à accorder à notre présence
Que ça devient platte.
Très platte.
Je ne suis rien.
Je ne serais pas là et ça ne changerait rien.
Absolument rien.
Comme si j’étais devenu nulle part.
Mais je continue.
Je tape.
Je m’en vais dehors.
C’est curieux mais plus je vieillis,
Plus je constate qu’elle m’importe, me stimule, me rend joyeux,
La nature.
Un mince filet de brouillard matinal filtre la lumière du jour.
Faque c’est ça. Drette-là, j’m’en va’s faire le tour de la cour.
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Dans la cour arrière,
Ce matin, j’ai vu ce que j’ai pu
Identifier grâce à une photo prise rien que sur une gosse :
Une paruline flamboyante.
nadagami