Les murs de la maison craquaient. Dehors, des sifflements plaintifs s'échappaient des passages étroits qui séparent la maison de celles de nos voisins. Ça faisait plusieurs mois qu'on ne s'était pas autant fait brasser la cage par le vent du sud, de ce vent qui s'alourdit en dévalant le flanc de la montagne derrière la maison. Et pour couronner le tout, une panne de courant qui coïncida avec l'heure du dodo.
On s'entend qu'avec un tel vent il est difficile de s'endormir. Mais, on finit par s'habituer aux sons lugubres et aux craquements provoqués par le vent déchaîné, et tranquillement le sommeil nous gagne.
J'étais sur le point de m'endormir quand tout à coup ma compagne de se demander à haute voix :
- Eee... c'est quoi ce bruit? On dirait le panonceau.
Cé pas vrai, le maudit panonceau à mar..! Misère!
Le panonceau, c'est cette affiche suspendue à l'avant de la maison et qui annonce « La maison de Daniel » .
On se lève? Oui ou non? Il faut vraiment y aller? J'écoute à nouveau... Soudain je doute... Mais soudain, je ne doute plus. Pas le choix.
On se lève donc mais, tout en gardant le silence. On s'habille en silence. On pense aux outils nécessaires pour décrocher le panonceau tout en demeurant silencieux. Ça ne me tente pas... Grrr!!! La lampe de poche, elle est où? Bin oui, il y a panne de courant... me semble que ça nous coûte assez cher de même... pourraient pas se grouiller le derrière les gars d'Hydro? Et il pleut, et il vente... Tabarn..!
Dehors, le panonceau qui se fait barouetter dans tous les sens. Bang! Bang! Bang! C'est correct le « vent », on a compris : il faut le décrocher, le panonceau. Et on finit par le décrocher, toujours en silence.
Finalement, tout est rentré dans l'ordre et on est retournés se coucher.
Le lendemain, le vent s'étant calmé, j'ai remis en place le panonceau. Bien entendu, je m'attendais à devoir remplacer une pièce endommagée par le vent. Bien non, rien de briser. La seule chose que j'ai remarquée est le très mince espace qui forme le joint de l'anneau par lequel on passe les brides qui assurent le balancement du panonceau. Ce n'est qu'une toute petite fente qu'on réduit à l'aide de pinces mais par laquelle a sans doute glissé l'une des brides retenant le panonceau à la barre horizontale qui est fixée à la maison.
Il était pratiquement impossible que cela puisse se produire mais, ça c'est produit. Et bien entendu, il a fallu que ça arrive lors d'une soirée de tempête.
En somme, c'est un événement tout ce qu'il y a de plus banal. Sauf que la banalité à 10 heures le soir, sous la pluie et par un vent qui vous fait craindre le pire, c'est un excellent incitatif pour entrer en contact avec le silence.
Daniel Verret