La rosée ne résiste que là où l’ombre persiste.
En progression, une masse nuageuse venue de l’ouest se déplace
Jusqu’à recouvrir au grand complet l’immensité bleue et
Après avoir plongé dans la grisaille le village,
Se retire tout en laissant derrière elle un ciel bleu pastel.
Le soleil réapparaît éveillant du même coup
L’instantanéité.
Un pic martèle de son bec le tronc d’un orme.
Il est à peine neuf heures et déjà le soleil frappe fort.
Il fera chaud.
On fait le tour de la cour et là, l’an prochain, poussera de la vigne
Pour nous couper de regards indiscrets et gagner en intimité.
Et les mots qui, comme ça, manifestent l’envie de parler d’eux,
Mots qui viennent on ne sait d’où.
Un souvenir fugace, une image impromptue passent
Mais réduits à néant aussi vite qu’apparus.
Encore quelques mots
Pour ne rien dire;
Encore quelques touches enfoncées
Juste pour voir les mots apparaître à l’écran.
Tant de temps passé à ne pas voir le temps passer.
Je tape.
Les mots se taisent,
Se laissent écrire afin qu’une fois tapés,
Ils soient lus avec froideur et absence d’émotion.
Plus tard, on corrigera, effacera, reconstruira les phrases.
Mais là, en ce moment, les mots ne font que passer.
Les secondes aussi.
Être seconde,
Après celle qui a précédé ou à la suite celle qui précédera?
Être première.
Être seconde.
Seconde, toujours deuxième.
Mais pour le temps, la première n’existe pas.
Le temps n’est que secondes accumulées.
Sauf qu’il y a toujours une première seconde.
Et ensuite,
Une seconde seconde
Qui sera suivie d’une troisième.
Le temps passe.
Un jour, comme ça, au coin d’une rue,
Une auto en panne.
À l’intérieur, une femme, assise sur la banquette arrière.
Elle ouvre la porte,
Se glisse hors de la voiture.
Elle est richement vêtue.
En m’apercevant,
Elle me sourit.
Je ne vois plus maintenant que son sourire
Qui à son tour s’évanouit.
Le temps passe.
Monde impossible qui existe.
La peur.
Cette nuit, un rêve.
Je suis ailleurs.
En France.
Mon rêve débute alors que j’ouvre les yeux.
Par la suite, une fois réveillé, je réalise que je suis en France
Sauf que je ne me souviens pas du voyage pour me rendre là-bas.
Mais j’y suis.
Pas de passeport ni aucun autre papier toutefois.
J’essaie de savoir où je suis précisément en France.
On devine alors que je ne suis pas Français
On devient suspicieux et on insiste pour que je présente mes papiers.
Je suis coincé car je n’en ai aucun sur moi.
Malgré tout et en dépit de ma crainte d’être dénoncé,
J’ai l’impression d’être en France pour y rester.
-0-
Le temps passe :
Les mots, les phrases, les images aussi;
De même que les secondes,
Dont je n’en ai pas une à perdre.
nadagami