Un jour, alors que je roulais en voiture, j'ai aperçu un chevreuil qui n'attendait que le moment propice pour traverser la route. Jugeant qu'il n'y avait pas de danger, le chevreuil s'est élancé pour parvenir sain et sauf de l'autre côté de la bande asphaltée. Les premières fois qu'on aperçoit un chevreuil le long de la route, on trouve cela très charmant. Avec le temps par contre, ça l'est beaucoup moins. Il n'y a rien de plaisant à frapper, à bord d'une voiture, un chevreuil. Toujours est-il que la proximité des chevreuils m'a amené au constat suivant : pour les chevreuils, les jours de semaine n'existent pas. |
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Pour les chevreuils, chaque journée est suivie d'une autre journée et chaque journée porte toujours le nom de journée. Pour un chevreuil, il n'y a pas de dimanche, de lundi, de mardi, de mécredi comme disait mon père, de jeudi, de vendredi et de samedi.
Puis un jour, comme ça, qu'est-ce que je faisais je n'en sais trop rien, je me suis lancé comme défi de vivre comme un chevreuil, de faire en sorte que chaque journée porte le nom de journée et journée qui succède à une autre dans l'attente de la prochaine qui la remplacera.
En somme, pour moi, il n'existe plus de jour de semaine mais que des journées sans nom qui succèdent à des journées sans nom.
Et voilà que, en pensant et en agissant de la sorte, je découvre que c'est ce que vivent les cultivateurs car pour eux, jamais la roue ne cesse de tourner. Jamais. Dans les champs, quand la chaleur s'installe, ça pousse peu importe la journée de la semaine. Les animaux produisent peu importe la journée de la semaine. Sur une ferme, il n'y a pas de différence entre un lundi, un vendredi et un dimanche.
C'est donc à partir de ce contact visuel fréquent avec les chevreuils que le p'tit gars de la ville que je suis s'est rendu compte qu'il venait d'un autre monde, qu'il était issu d'une réalité pas tout à fait compatible avec la réalité telle celle qu'il a découvert à la campagne, près du bois, loin de la ville.
L'été, l'herbe pousse tous les jours; les fleurs, itou; le vent, lui, fait à sa tête : il pousse lui aussi mais les autres, les nuages, et en plus, pas tous les jours, un peu comme le monde de la ville.
Daniel verret