Pour n’être que mot dit,
Mais mot dit qui doit être tapé.
Pourtant, jeune, on m’a surtout appris à ne rien dire.
Parce que plutôt que de m’encourager
À taper des mots,
On m’a au contraire surtout averti que c’est moi qui se ferais taper
Si je disais mot.
Ainsi s’est présentée à moi la vie :
Le silence obligé,
Accompagné d’une forte moralité
Et la nécessité d’être une exemplarité.
J’y ai cru,
Longtemps,
Que j’étais né sous le signe
Du modèle à suivre.
Jusqu’à ce que les mots me sautent dessus.
Tout s’est alors mis à vibrer,
Ensuite à vaciller
Et finalement, cet univers s’est écroulé.
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On est nombreux
À écrire,
À essayer de saisir le monde
Au moyen des mots.
De ce groupe, je reconnais en faire partie.
Jeune par contre, non.
Mais dans ce temps-là,
Je ne comprenais pas.
Ma voie était tracée.
Je m’en suis éloigné.
Patiente, elle m’a longtemps attendu
Tout en regardant les Laurentides du haut des Appalaches.
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Un jour,
Même s’il y a de cela un bon nombre d’années
Je m’en souviens très bien,
J’ai perdu la mémoire.
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D’où viens-je?
Où vais-je?
De là et là où les deux rives se rapprochent,
Car ma mémoire y est emprisonnée.
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Par le passé, je désirais taper des mots,
Mais je l’ignorais.
Aujourd’hui, je tape des lettres qui deviennent des mots,
C’est plus fort que moi.
Tout est décousu.
Qu’importe!
Des mots,
Des lettres,
Une langue.
Quelle est ma langue?
Celle qui se veut
Le témoin le plus éloquent de toutes les influences qui m’ont marqué.
nadagami