La pluie.
Ce matin,
Le ciel est gris.
Un jour, oui un jour,
Comme ça,
Parce que j’en avais le goût,
Je suis parti par là.
Donc ce matin,
De la pluie sous un ciel gris.
Chanceux,
Ça aurait pu être de la pluie sous un ciel bleu.
Un jour, oui ce jour au cours duquel
J’ai oublié que j’avais une mémoire,
Bin ce jour-là je me suis souvenu d’un oubli
Que j’ai oublié après m’en être souvenu.
Ce matin, de toute évidence, est un temps de souvenirs.
Bien entendu, je tape des mots
Qui tombent sur la feuille blanche de l’écran
Comme tombent sur le sol les gouttes de pluie.
En fait, c’est faux : les mots ne tombent pas.
C’est la pression exercée sur les touches du clavier qui les font Apparaître sur la blancheur de la feuille froide de l’écran
Comme les gouttes qui apparaissent sur le sol lorsqu'il pleut.
On ne voit pas les mots tomber,
Mais les gouttes de pluie, oui.
Sauf qu'il m'arrive d'avoir l'impression d'être un nuage
Qui échappe des mots comme sont échappées les gouttes de pluie.
Polir mes vers.
Un jour,
Comme ça,
Alors que quoi,
Alors que rien,
Alors que sous un filet de craintes
Veille l’espace vide que j’emplis de ma présence.
Je tape,
Je tape des mots
Pour me rendre le plus loin possible.
Écrire des journées entières?
Je ne sais pas.
J’écris un peu,
Pas assez peut-être.
Mais m’obsède la crainte que ça ne donne rien,
Ou que je me plante pour de bon en ne me consacrant qu’à l’écriture.
Un jour,
Comme ça,
Alors que je m’en allais par là,
Oui par là,
Bin, je m’en allais par là ç’t’affaire,
J’allais donc nulle part.
Je marchais.
J’aimais bien, et marcher et aller nulle part.
De chaque côté de la ligne que je suivais en marchant,
Le bois.
De chaque côté,
Des champs qui n’existent plus.
Il n’y a pas si longtemps,
Ici, toutes les terres étaient cultivées.
Aujourd’hui,
Du bois presque partout.
Un pont surplombe le ruisseau à l’Eau-Chaude.
Tout près, il y avait jadis une école de rang
Qui a brûlé voilà pas longtemps.
Route de terre
Loin de tout,
Du ciel, de l’enfer, de la vie, du fleuve
Qui monte haut quand même :
Pain-Sec.
On a marché,
Monté la côte,
Redescendu la côte,
Remonté dans le char,
Passé par le Fer-à-Cheval,
Gravi en char la côte de l’autre côté d’un autre pont,
Un front de boeuf cette côte,
Pour finalement redescendre jusqu’à la grande route.
On est revenu au village,
De retour de Pain-Sec
Où on avait monté une longue côte
Pour ensuite la redescendre.
C’était hier,
C’était comme ça.
Tandis qu’on redescendait la longue côte
On tentait de voir le clocher de l’église de Saint-Nazaire,
De Saint-Nazaire-de-Dorchester.
Aille!
De Dorchester.
Comme ici c’est Notre-Dame-Auxiliatrice-de-Buckland,
Pas loin, Armagh,
Pas très loin non plus, Saint-Léon-de-Standon.
Saint-Malachie,
Frampton.
Pain-Sec.
Cé tout ce qui restait une fois les ours passés.
Faut savoir lire, prendre temps de lire : pain sec.
C’était pas riche dans le coin, la grosse misère même.
Ils ont tout défriché,
Tout cultivé,
Tout abandonné.
Quelques maisons, des retapées et des plus récentes, ici et là.
En revenant à la maison,
Un peu plus tard,
Il s’est mis à pleuvoir.
Mais pleut pleut pas, dans Pain-Sec, sec était le pain.
nadagami