Venue du ciel
Alors que mes mains
Tentent d’attraper avant qu’ils ne touchent le sol
Tous les flocons
Qui tombent.
Je me sens mourir.
Ma langue est à nouveau attaquée.
Sur le sujet dans les journaux
Comme d’habitude,
Des conneries qu’on y lit.
Je meurs sans mourir.
Mais bon,
C’est notre histoire qui se poursuit.
Dans ce cas,
Il m’apparaît
Qu’il ne me reste qu’à taper des mots
Pour oublier l’oubli oublié.
Quelques mots donc
Tombent du ciel
Avec les flocons.
Petit papa Noël
Quand tu descendras du ciel,
Si je n’y suis pas,
Bien tu reviendras.
La mort au ventre
Parce qu’un jour,
Je suis mort.
Sauf que le lendemain,
Je suis rené.
Je sais,
René,
Le participe passé de renaître,
Il est passé
Par la trappe
De la désuétude.
Je tape.
Je suis triste.
Tous les jours, moi le francophone d’Amérique du Nord,
Il faut que je me batte.
C’est la vie, ma vie, notre vie.
Je me relève et poursuis.
Mais je lis tant d’interdits
Étant donné qu’aimer ma langue relève on dirait de la folie.
Bof!
Je continue.
J’aime ma langue.
J’aime nos mots.
Tombent sur la page blanche
Nos mots.
Il est vrai aussi que je suis un peu fatigué d’écrire
Et de ne jamais recevoir de sous en retour.
Je sais,
Je l’ai déjà dit et même redit.
Qu’importe,
Je le reredis.
Sauf que ce matin,
Je tape,
Ne fais que taper,
Que regarder les mots apparaître à l’écran.
Mon coeur est triste
Et il a le droit de l’être.
Enfin, ça m’arrive souvent d’être triste.
On passe à autre chose.
Je tape.
Un autre mot.
Je les regarde apparaître
Et je me tais.
Ce n’est pas moi qui parle
Au moyen du mot tapé.
Ce sont les mots
Qui disent ce qu’il y a à dire.
Je continue.
Un autre mot,
Puis un autre.
Je continue,
Il le faut.
Je suis quelque peu en colère puis oublie que je le suis.
Je la vois apparaître,
Elle,
Qui va devant moi,
Qui court,
Lentement,
Géante.
Je cours,
Mes mains courent
Sur le clavier.
T’as vu les épinettes,
Les mélèzes,
Les sapins?
T’as vu les montagnes,
Les nuages,
Le soleil qui se lève?
T’as vu
Que même si tu regardes
Tu ne vois rien?
Je tape
Sans empressement.
Un jour,
Ils ont décidé
D’ouvrir un chemin.
À partir d’ici, du village, du coin de la Route.
Le chemin Taché.
Un jour,
Pour que nous ne partions pas,
Ils ont ouvert un chemin,
Donné des terres,
Conquis la forêt.
Un jour,
Je me suis mis à taper.
J’aime taper.
C’est ma vie.
Mais taper des mots
C’est comme défricher une terre.
On défriche une terre pour survivre,
On tape des mots pour survivre.
C’est pareil,
C’est la même chose.
Je tape donc.
Les mots naissent.
Je tape.
Pourquoi?
Est-ce que je sais?
Mais bon,
Des mauvaises herbes,
Il en faut
Et j’en suis une.
Pourquoi taper des mots?
Parce que c’est ce que je suis :
Un tapeux de mots.
Alors, je tape.
Et de continuer à taper,
Sans arrêt,
Comme la neige qui tombe
Et qui jamais, la neige qui tombe,
Ne fait le décompte
Du nombre de flocons tombés.
Mes mots sont des flocons.
Mes doigts sont des nuages.
Ce qu’est la page sur laquelle apparaissent mes mots?
Je l’ignore...
Non!
Elle est le sol.
Je continue.
Oui, je continue.
Tantôt,
Je supprimerai tout.
Tantôt,
Je ne sais pas.
Tantôt,
C’est tantôt.
Je tape.
Encore quelques mots,
Quelques mots
Pour arriver quelque part.
Je tape.
J’avance,
Tranquillement,
Regarde tout autour,
Cette route me rentre dans le corps.
(Ici, j’ai été méchant.)
(Très.)
(J’ai tout effacé.)
(Parce que... Parce que!)
En tout cas,
Je continue et regarde les mots apparaître.
Dehors, sur le sol déjà enneigé repose la poudreuse
Tombée au cours de la nuit.
Tout est si beau ce matin,
Léger,
Dominant,
D’une pureté que le froid traîne toujours avec lui.
Renaissons-nous?
J’avance,
Recule,
Tape des mots.
Et je tape des mots
Car c’est ce que je suis,
Un tapeux de mots.
Et de taper encore et encore.
J’achève par contre.
L’heure avance.
Voilà,
Le point final réclame sa présence.
nadagami