Précision : d'aucuns définissent Québec en français par le seul et unique mot « détroit » ; la difficulté interprétative qui surgit avec cette adaptation française est l'absence de verbe, ce qui élimine le caractère animiste du mot amérindien Québec; les Amérindiens étaient et sont encore aujourd'hui des animistes, ce qui signifie que pour eux toute chose définie possède une âme et par conséquent, est capable d'une action propre que met en évidence la présence du verbe; or, comme Québec signifie « là où les deux rives se rapprochent », cela implique que les rives, en tant que choses définies, ont la propriété de s'activiter, qu'elles sont vivantes et pour cette raison qu'elles peuvent se mouvoir (ici se rapprocher), étant donné que pour les Amérindiens animistes les rives du Saint-Laurent possèdent une âme.
Donc, pour bien saisir la signification du mot Québec, il faut avoir à l'esprit la pensée animiste qui caractérise la compréhension ou l'interprétation de la réalité par les populations indigènes en place.
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Ils sont venus de l'ouest, de Mongolie, les Amérindiens et ils sont venus de l'est, de France, les premiers colons français. Après quelques années de tergiversations, c'est à Québec, où on a construit l'Habitation, que les deux groupes se sont rapprochés de façon définitive et continue au même titre que les deux rives du fleuve Saint-Laurent qui se rapprochent tout à côté. Deux cent cinquante ans plus tard, en ce même lieu, deux empires, français et britannique, se sont rapprochés (pour ensuite se livrer bataille), comme se rapprochent, encore et toujours, les deux rives du Saint-Laurent à la hauteur de Lévis et de Québec. Et aujourd'hui, il y a tous ces bateaux de croisière qui se rapprochent, qui arrivent de partout pour une halte à Québec, là où les deux rives se rapprochent, avec tous ces passagers qui en descendent pour visiter la ville et ses environs, et passagers qui se mêlent le temps d'une escale au reste de la population locale qui y vit en permanence.
Mais s'il n'y avait que cela, que ces rencontres, que ces rapprochements entre groupes humains. Parce qu'il y a plus que cela.
Souvent, très souvent, du temps que je demeurais à Lévis, je me suis rendu près du fleuve pour le voir couler. Observer en silence les eaux du fleuve pareilles à une mer d'huile, regarder les flots fuir à la vitesse que détermine l'instant de la marée, suivre des yeux une bille de bois que le courant d'eau emporte et tous ces autres instants passés face au Saint-Laurent ont toujours eu un effet appaisant sur moi.
Toutefois, toute personne qui s'intéresse au fleuve sait que les eaux du Saint-Laurent vont, en raison des marées et phénomène observable à la hauteur de Lévis et Québec, dans les deux sens; soit l'eau se dirige vers la mer, soit l'eau s'enfonce dans les terres. Il y a donc ici rencontre, rapprochement de deux phénomènes opposés : le courant de l'eau qui va vers l'ouest (les terres) et le courant de l'eau qui va vers l'est (la mer).
De plus et toujours à cause des marées, entre le Lévis et Québec le niveau de l'eau du fleuve monte et descend. Il découle donc de cette situation un autre rapprochement à établir encore une fois entre deux éléments différents et opposés : la marée haute et la marée basse.
Dans un autre ordre d'idée, les saisons aussi contribuent à renforcer l'idée d'un rapprochement d'éléments différents et/ou contraires. L'été, l'effet des marées est moins évident car le fleuve n'est qu'eau. Par contre, durant la saison froide le fleuve se couvre de glaces et sa surface devient en partie solide. Cependant, il faut savoir qu'avant il se formait, une fois l'hiver bien installé, un pont de glace entre Lévis et Québec. De nos jours, en raison de la circulation maritime la glace, qui recouvre le fleuve l'hiver, est mécaniquement cassée et ainsi les morceaux de glace remontent-ils et redescendent-ils le fleuve au gré des marées. Retenons toutefois que pendant une période de l'année, le fleuve offre une surface seulement liquide et au cours d'une autre période, une surface solide.
Il y a également l'eau du fleuve prise isolément qui fait ressortir l'idée de dualité que suggère le mot Québec. Aujourd'hui, il est reconnu que l'eau du fleuve Saint-Laurent commence à être salée à l'est de l'île d'Orléans. Par contre, de nos jours il y a la pollution de l'eau qui est produite par les activités citadine, industrielle et agricole qui interfère dans la composition de l'eau du Saint-Laurent. J'ai lu par le passé que, en l'absence de pollution, normalement entre Québec et Lévis l'eau du fleuve devrait être saumâtre, c'est-à-dire à la fois salée et à la fois douce. Ainsi donc retrouvons-nous encore une fois entre Lévis et Québec, là où les deux rives se rapprochent, l'idée rattachée à la rencontre de deux éléments distincts et différents : eau douce et eau salée.
Par ailleurs, pour les Amérindiens qui se servaient du canot d'écorce comme moyen de transport, Québec s'inscrivait comme un lieu particulier de traversée permettant d'aller et revenir entre les rives nord et sud du fleuve. À cet endroit précis du fleuve, pour les Amérindiens venus de l'est, Québec représentait le premier endroit où l'on pouvait traverser en toute sécurité le fleuve en canot et pour les populations amérindiennes venus de l'ouest, Québec devenait le dernier lieu où il était encore possible de traverser en toute sécurité le fleuve en canot. Ainsi donc, Québec signifiait-il pour les Amérindiens la rencontre, ou le rapprochement, entre le début et la fin d'une possibilité, et possibilité qui dans les deux cas était de traverser en toute sécurité le fleuve en canot.
Enfin, Québec, là où les deux rives se rapprochent, c'est cette ligne invisible que suivent chaque jour et de nombreuses fois au cours d'une même journée les traversiers qui font la navette entre Lévis et Québec. Sans doute aussi que cette même ligne doit correspondre à celle que devaient suivre les Amérindiens qui traversaient le fleuve en canot à la hauteur de Québec puisque c'est là que la distance entre les deux rives (Lévis/Québec) est la plus courte. Mais cette ligne nord-sud qui va d'une rive à l'autre coupe une autre ligne, soit celle que dessine le fleuve saint-Laurent et rencontre de ces deux lignes qui ressemble à ceci :
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Ouest (fleuve) + <<-------------------------------->> + (fleuve) Est
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Lévis : rive sud
(Hum! Une boussole avec ça???)
On découvre donc que plus on cherche à comprendre le sens amérindien de « là où les deux rives se rapprochent » (Québec), plus on constate que cette notion de rapprochement englobe plusieurs éléments qui ont tous en commun l'idée de confrontation ou d'opposition, et tout cela en un seul lieu très bien délimité représenté par une ligne « invisible » reliant les deux rives d'un cours d'eau.
Toujours est-il que Québec, c'est plus qu'un détroit : c'est un lieu précis où il y a consolidation pratique du concept de dualité et que les Amérindiens ont défini par « là où les deux rives se rapprochent » .
Daniel verret