Je l'ai d'une certaine façon toujours su sans le savoir.
Ce rapport sibyllin avec le mot écrit.
Je l'ai toujours su mais je ne pouvais pas le savoir.
Jusqu'au jour où bang! les mots m'ont sauté dessus.
Quand c'est arrivé, je n'ai pas compris.
Je taponnais après ché pas trop quoi.
Puis, paf! c'est devenu incontrôlable :
Il fallait que j'écrive.
Sauf que c'était sorti de nulle part.
Sur le coup, je me suis demandé, désemparé,
c'était quoi ç't'affaire-là.
Y'avait jusque là rien dans ma vie qui me conduisait à l'écriture.
Je me souviens, à cette occasion, avoir cherché du papier
Tout en me voyant, dans ma tête, écrire.
Je me suis assis. J'ai peut-être écrit un mot.
Mais je ne suis pas allé plus loin et la poussée s'est évanouie.
Encore aujourd'hui, je doute.
Aille! Écrire des mots.
En plus, en français.
Voyons donc! Ça s'peut pas.
À l'école, jamais je n'ai su ce qu'un jour je ferais pour gagner ma vie. Jamais!
Je le savais que je voulais écrire,
Mais en même temps, je ne le savais pas.
Y'avait trop de stock sur le tas pour que j'y pense.
Dans ma tête, j'étais condamné à occuper un emploi honorable (!)
Une profession.
Vivre de l'écriture?
Sans le savoir, sans le vouloir, j'ai mis ça de côté.
J'ai roulé ma bosse.
Me suis planté d'aplomb.
Faut tout le temps que je recommence à zéro.
Si aujourd'hui j'occupe une profession?
Moué, un professionnel?
Ce qui m'intéresse, c'est de savoir d'où
vient un mot comme « garrocher » .
Ouin! garrocher, ça vient d'où ç'te mot-là?
Et « ç'te » de « ç'te mot-là? »,
I' vient d'où?
Pis moi, j'viens d'où?
Je veux savoir d'où i' viennent, les mots,
Mais je veux aussi surtout savoir comment les écrire.
De toute façon, de taper des mots
J'ai pas le choix sinon, je déprime.
Entéka, là je donne un coup.
Ce sera le dernier.
Ça fait quand même un boutte que j'écris tous les jours.
Ça vaut quoi?
J'eul sé pas.
Daniel verret