Encore.
Et la charrue qui va,
Et la charrue qui vient.
Dans les brancards je rue
Quand j’entends la charrue
Descendre et remonter la rue
En cette journée de froid si cru.
Mon dos.
Et seul.
Dire que des gens que je côtoyais tous les jours
Ne m’ont jamais cru.
Seul à la maison et mis à pied,
Voilà que je me tape un mal de dos,
Gracieuseté d’un étirement ligamentaire permanent,
Qui m’empêche de sortir de la maison,
Qui m’oblige à demeurer dans la cuisine,
En robe de chambre,
Me déplaçant difficilement de la table à l’évier,
De l’évier au frigo et du frigo à la table.
Cochonnerie!
Des mots.
Je tape
Même si je me sens impatient et très irritable.
On se tanne par contre d’avoir le nez collé
Sur un écran d’ordi.
Écrire.
Mais quoi?
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Peut-on faire autre chose?
Je me sens si inutile.
Dénigrement.
Voilà,
On passe à autre chose.
Le plus difficile
Sera de me relire.
Tombe la neige,
Passe la charrue.
On n’est jamais content.
Mais il n’en demeure pas moins que chialer
Se révèle être depuis longtemps un sport palpitant.
Et je me revois
Critiquant mes anciens patrons.
Images récurrentes d’un passé dont je peine à me libérer.
Il neige,
Il a neigé.
Que de temps passé
À taper,
Mais à taper
Pour ne rien écrire.
Non,
Ce n’est pas tout à fait cela.
Poète je refuse d’être.
Me voilà arrêté les mains étendues au-dessus du clavier.
Il a neigé.
Le printemps est hivernal.
Que dire?
Quoi dire?
Comment dire?
Quand dire?
Et de ressentir la présence de cet ancien collègue de travail.
Une fois de plus, une fois de trop.
Je ne parviens pas à l’oublier.
On dirait qu’il est dans la maison.
Quoi dire?
Quoi faire?
Je me le, je te le et je le lui
Demande.
Et de continuer à taper,
Des mots, pas des gens.
Le temps passe.
Les secondes s’égrènent en tombant sur la table
De la rectitude de l’heure exacte.
Qu’ai-je à dire?
Rien.
Mais je tape pour dire.
Encore quelques lettres tapées,
Encore quelques mots écrits.
Vais-je
Ou viens-je?
Je l’ignore,
Car le savoir que j’ai à acquérir
Est celui qui me permettra de savoir
Ce qu’est l’ignorance dans toute sa magnificence.
Et de continuer à taper,
À enfoncer les touches,
À regarder les mots apparaître
À l’écran,
Sans me soucier de mes soucis.
Quoi écrire?
La neige a cessé,
Mais au sol est demeurée.
Pendant ce temps,
Alors que le temps était pendant,
Mais cependant
Dépendant en même temps d’un autre temps,
Voilà que je croyais ne pas être en mesure d’écrire,
Convaincu que j’étais de n’avoir rien à dire
Autre que des mots
Que plus tard j’effacerais.
Je suis fatigué.
Mes paupières sont lourdes.
Mon dos me fait souffrir.
Mes doigts cherchent à s’éloigner du clavier.
Nadagami